Comment sont reconditionnées les barriques ?

reoaked STR oakbarrels

Le bois est une ressource précieuse. Les tonneliers s’emploient à utiliser les meilleurs chênes pour confectionner leurs fûts et alimenter l’industrie des vins et spiritueux, les deux acteurs principaux du marché de la barrique. Ces produits faits d’un matériau noble perdent de leur valeur au fil des ans. Rapidement remplacés par des fûts neufs, les vieux fûts de chênes sont souvent mal valorisés. Pourtant, ils possèdent encore un fort potentiel pour l’élevage des vins et des spiritueux. Le reconditionnement permet de valoriser le bois de chêne, et de pérenniser la filière.

Pourquoi reconditionner un fût de chêne ?

Selon l’appellation et les propriétés, les vignerons conservent leurs barriques sur des durées allant de 1 à 10 ans; parfois davantage. Plus le fût est vieux, moins son apport aromatique est important. Dans le vignoble bordelais par exemple, la majorité estime qu’un fût peut enrichir un vin pendant trois ans. Son troisième élevage achevé, le fût est considéré comme neutre en apport de boisé.

Les distillateurs, selon les cahiers des charges qui leur sont imposés, doivent utiliser leurs fûts pendant une période déterminée. En revanche, les fûts d’occasion ayant contenu d’autres spiritueux ou du vin peuvent les intéresser. Ils permettent de complexifier leurs spiritueux selon certaines conditions.

Lorsqu’il a reçu du vin rouge, la surface intérieure du fût, trop imprégnée, risque d’apporter des tanins et des résidus de soufre non désirés pour l’alcool avec lequel il est en contact.

Le reconditionnement est une solution permettant de retirer ces résidus et donner une seconde vie au fût.

A la manière d’un buvard que l’on trempe dans l’eau, le bois s’imprègne de vin à mesure qu’il est en contact avec ce dernier. Mais le vin traverse le bois sur une épaisseur limitée, généralement de 3 à 4mm.
La solution du reconditionnement consiste à raboter l’intérieur du fût sur ces quelques millimètres afin de retrouver une surface de bois intacte, capable d’échanger à nouveau des arômes avec le vin ou l’alcool.

Même si l’opération paraît simple, celle-ci demande un certain savoir-faire.
Développé par l’écossais et expert en whisky James Sneddon Swan, la méthode de reconditionnement STR est très utilisée dans l’industrie des spiritueux.

La Méthode STR (Shaved, Toasted, Re-charred)

L’acronyme STR vient de l’anglais Shaved, Toasted, Re-charred. En français, un fût raboté, bousiné puis carbonisé.
Cette dernière étape (Char) était dans un premier temps réservé aux fûts de bourbon. (Swan, 1988).
Les chauffes varient en fonction des tonneliers, mais on peut généralement en identifier quatre :

  • La chauffe légère, qui va transformer peu de précurseurs aromatiques du bois, elle est généralement réservée à un produit dont on veut préserver la fraîcheur et le fruité.
  • La chauffe moyenne va permettre de créer plusieurs composés, principalement la vanilline et la whisky-lactone, qui correspondent respectivement aux arômes de vanille et de noix de coco.
  • La chauffe lourde qui va permettre de former du gaïacol, de l’eugénol et du furfurylthiol, qui apportent respectivement des arômes fumés, épicés (ou clou de girofle), et de café*.
  • Enfin, la chauffe Char, qui consiste alors à chauffer le bois au point de le carboniser. La flamme entre en contact direct avec le bois et une couche de charbon se forme à l’intérieur du fût. Des craquelures apparaissent sur sa face interne, on appelle cet état « peau de crocodile » en raison de la ressemblance visuelle avec la peau du reptile. Cette chauffe va créer de nouveaux arômes, bien qu’elle en dégrade une partie. Elle va par ailleurs permettre d’augmenter la surface de contact avec le bois grâce aux craquelures.

La méthode STR est donc destinée aux distillateurs qui souhaitent se procurer des fûts de qualité à un prix plus abordable.
La chauffe char est une nécessité, d’un point de vue législatif, pour l’élevage des bourbons. Cependant, elle peut être désirée pour l’élevage d’autres alcools comme le cognac, le rhum ou différents whiskys.
La même méthode est évidemment possible sans la chauffe char, pour un distillateur ou un vinificateur qui souhaiterait une chauffe plus légère.

*Les arômes cités ne représentent pas une liste exhaustive des composés aromatiques du bois. Cette liste a pour but de montrer l’intérêt et l’impact des différentes chauffes.

Les étapes du reconditionnement

Dans un premier temps, pour accéder à la surface interne du fût, il est nécessaire de le désassembler.

Les cercles en acier, les fonds et les douelles sont retirés tour à tour.
Les douelles sont alors rabotées sous réserve d’être suffisamment épaisses.

A partir de 27mm d’épaisseur, les fûts sont éligibles au reconditionnement.
Le rabotage de fûts d’une épaisseur inférieure présente un risque de fuites et le rend très fragile mécaniquement.

Après le rabotage, le fût est réassemblé à l’exception des fonds.

Il est possible, à l’aide d’un outil spécifique, de raboter un fût en retirant uniquement les fonds, ce qui permet de raccourcir les étapes de désassemblage et de réassemblage.

Le fût est ensuite placé sur un braséro, afin de réaliser une nouvelle chauffe. Elle va permettre de former les arômes vus précédemment.
La chauffe Char est réalisée au besoin, en alimentant le feu intensément pendant quelques secondes.

Les fonds qui auront aussi été rabotés et éventuellement chauffés viennent alors refermer le fût. Il est également possible de remettre à neuf l’extérieur du fût en ponçant le bois et en remplaçant les cercles en acier.